Je suis née dans les années 50 à une époque où l'église catholique avait une emprise totale sur la population du Québec.... c'était une autre époque où il fallait trimer dur et ou le luxe était considéré comme un péché. D'ailleurs, tout ou presque était péché.... La nourriture n'y avait pas échappé.... le péché de gourmandise, ça vous dit quelque chose?
Si bien que de tous côté, il était pratiquement impossible de déroger à ses habitudes. Les épiceries offraient les mêmes choses, les bouchers les mêmes coupes de viande...et le souper du dimanche avec le roastbeef était traditionnel.
Mais... parce qu'il y a un mais à mon histoire.... il y avait quelques personnes d'exception...
Je viens d'une famille de gens curieux et gourmands....j'ai souvenir de tables couvertes de tartes de toutes sortes chez ma grand-mère paternelle, qui pourtant n'en mangeait pas... elle était diabétique.... Ces tartes, c'était pour le plaisir de les cuisiner et de les offrir... J'ai souvenir aussi de repas hors du commun chez ma grand-mère maternelle qui, lorsqu'elle s'est mariée ne savait pas faire cuire un oeuf! Elle a eu la chance de ne pas apprendre à cuisiner de sa mère, et d'inventer ses propres recettes... à noter que sa mère était tout de même cuisinière dans les chantiers de bûcherons....
Mais la personne dont je veux vous parler vraiment, c'est mon grand-père paternel... Théo...tout un personnage.... durant la 2e guerre mondial, il était en Europe de l'est à mettre sur pied des camps de réfugiés...et au début des années 60, il était au Pakistan, où il a vécu pendant 7 ans à aider à bâtir ce pays encore naissant.... Sans doute à cause de ses expériences de travail à l'étranger, et de sa curiosité naturelle (c'était quelqu'un qui voulait constamment en savoir plus), Théo avait des goûts disons... inhabituels pour l'époque.
Il faisait une sauce pour les pâtes dont la recette, telle que transmise de bouche à oreille, commençait par, éplucher des oignons et les trancher fin... il faut autant d'oignons qu'on est capable d'en trancher sans avoir les yeux complètement brûlés par les larmes.... en gros... il remplissait la marmite avec des oignons... et ce n'est que le début.... s'en suivait de l'ail, des tomates, etc, etc etc...et....bien que tout le monde les utilisait avec parcimonie... BEAUCOUP de piments forts. Je ne me rappelle plus vraiment de ses pâtes... j'étais trop jeune sans doute, on m'a raconté que le commun des mortels se transformait en dragon cracheur de feu en les mangeant.... on a dû me donner une version "allégée".....mais ce dont je me rappelle par contre... c'est un après-midi bien spécial que j'avais passé toute seule avec Théo.... J'avoue que je ne l'ai vu que rarement, il est parti au Pakistan peu de temps après ma naissance et est décédé 2 ans après être revenu du Pakistan, j'avais à peine 10 ans....
Cet après-midi là, Théo m'a confié le secret de ses croque-monsieur....oh... c'était rien de bien compliqué, mais il les faisait avec tant d'amour que j'ai toujours retenu la recette.... j'avais probablement 6 ou 7 ans, il était en visite de quelques semaines entre 2 périodes au loin.
"Tu prends un morceau de Cheddar, le plus fort que tu peux trouver" qu'il me disait... et il fallait écraser le fromage et le travailler jusqu'à ce qu'il soit presque crémeux... "tu y ajoute autant de beurre que tu as pris de Cheddar".... bon à l'époque on ne prenait pas vraiment soin de son alimentation.... aujourd'hui... je n'en mets plus du tout.... "et tu prends de la poudre d'ail que tu saupoudre dans ton mélange jusqu'à ce que tu sois fatiguée" Imaginez une salière qui coule avec difficulté....mais la quantité était quand même impressionnante! "tu étends sur du pain tranché en faisant bien attention de couvrir tout le pain" Après avoir suivi les étapes, on a fait griller le tout et on a dégusté.... c'était TELLEMENT bon! Encore à ce jour, je salive rien que d'y penser.... et il avait fait ça, juste pour moi!
En fait... j'ai reformulé la recette de Théo à ma façon, plusieurs années plus tard quand j'étais à mes début d'expériences culinaires à la maison.... Personne ne savait qu'il m'avait donné sa précieuse recette, mais dès la première bouchée, je savais... Théo m'avait légué non seulement sa recette de croque-monsieur, mais son goût de la découverte!
Voici donc ma version de la recette de Théo...
Vous prenez du cheddar fort du commerce... rien de fantaisie, juste un bon cheddar bien honnête en autant qu'il soit fort et vous le tranchez assez fin.
Déposez les tranches de fromage sur des tranches d'un bon pain... (oui, il y a une excellente recette pour du pain dans mon blog du 26 mars 2011)
Saupoudrez de la poudre d'ail au goût (l'ail frais, ça ne fonctionne pas... désolée) Vous pouvez être aussi excessif que vous voulez à cette étape. Ne ménagez pas l'ail... il se marie si bien avec le cheddar vous serz surpris!
Pour un peu de folie, émiettez un peu de bacon cuit... mais c'est pas obligatoire...juste meilleur...
Et vous envoyez le tout sous le gril en surveillant... l'ail a tendance à griller plus vite que le fromage , mais il faut au minimum que le fromage soit fondu... s'il grille un peu... c'est parfait!
Je ne vous promets pas que cette recette changera votre vie.... mais pour moi.... elle vaut de l'or!
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